Graines toxiques SYNGENTA : c’est l’agriculteur qui paiera …. Le Monde nous rappelle les faits…
Mercredi, le ministère public a requis une amende de 10 000 euros avec sursis à l’encontre de Bernard Béteille, l’exploitant agricole du Lot-et-Garonne qui a enfoui pendant quatre ans des tonnes de ces déchets dangereux pour l’environnement à la demande de Syngenta, qui voulait s’en débarrasser à bon prix.
Pourtant le groupe suisse n’aura vraisemblablement pas à répondre de ses pratiques. « Vous aurez compris que votre tribunal ne pourra pas se prononcer à son encontre, a lancé la procureure, Aude Le Guilchner, à l’adresse des juges. Vous pourrez juste constater la disparition de sa filiale qui est extrêmement impliquée, une disparition tout de même troublante qui continue d’interpeller le ministère public… ».
La veille, à l’ouverture de l’audience, l’avocate de Syngenta, Sylvie Moreau Bloch, était passée prévenir « par courtoisie » qu’elle ne plaiderait pas, n’assisterait pas non plus aux débats puisque son client n’existait plus. Pour échapper aux poursuites, la firme a en effet dissous sa filiale Syngenta Seeds Holding dont elle était l’unique actionnaire. Elle l’a fait le 21 novembre 2011, cinq jours après avoir appris que celle-ci était renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris.
Furieux, les juges parisiens avaient demandé au tribunal de commerce de Versailles de déclarer cette manœuvre frauduleuse. Celui-ci a effectivement annulé la dissolution, mais l’agrochimiste a gagné son procès en appel, en janvier 2016. C’est ainsi que pendant deux jours d’audience il n’a été question que de lui, mais sans lui.
Avant qu’elle ne s’évapore opportunément, sa société était sur la sellette pour ses contrats avec Bernard Béteille. Moyennant rétribution, l’exploitant a épandu, entre 1999 et 2002, pas moins de 922 tonnes de semences déclassées dans ses champs à Verteuil-d’Agenais. Cette façon de se débarrasser des invendus lui revenait moins cher que de les faire incinérer par une cimenterie.
DES PESTICIDES REDOUTABLES
Le problème, c’est qu’une partie était enrobée de pesticides redoutables. En 2002, une plainte avait été déposée par des apiculteurs locaux, à laquelle se sont joints l’Union nationale de l’apiculture française, l’association Que choisir et France Nature Environnement. Après enquête des services de l’Etat chargés de l’environnement, plusieurs perquisitions menées par la gendarmerie, des auditions chez des juges d’instruction successifs, bref, après quatorze années d’efforts conduisant tous aux mêmes conclusions, il fut décidé de poursuivre Syngenta Seeds Holding pour avoir « fait déposer de façon irrégulière des déchets agrochimiques contentant des substances dangereuses ».
Après avoir minimisé, Syngenta a reconnu que 10 % à 15 % des semences de maïs étaient imprégnées d’imidaclopride – un pesticide plus connu sous le nom de Gaucho –, et de fipronil qui entre, lui, dans la composition du Régent, sans compter quelques fongicides. Les deux insecticides sont aujourd’hui partiellement ou totalement interdits.
C’est donc seul que M. Béteille s’est retrouvé sur le banc des prévenus devant la 31e chambre correctionnelle. « Voulez-vous vous exprimer ? lui a proposé à plusieurs reprises la présidente du tribunal, Evelyne Sire-Marin. Parce que des éléments à décharge, je n’en ai pas vraiment trouvé dans le dossier… »
« QUANTITÉS FARAMINEUSES »
Bredouillant qu’il ignorait la nature exacte de ce qu’il semait – malgré l’indication Gaucho imprimée sur certains sacs –, qu’il s’en remettait à la firme agrochimique, M. Béteille a rapporté qu’avec ces « semis haute densité », selon l’appellation de Syngenta, il produisait de l’engrais « vert » sur ces mêmes parcelles. En confiant que cette affaire lui a coûté plus que les 71 000 euros qu’elle lui a rapportés.
Son avocate, Dalia Moldovan, n’a eu ensuite qu’à souligner à quel point il serait injuste que l’agriculteur soit le seul condamné, alors qu’il était lui-même « victime de la confiance aveugle qu’il faisait à Syngenta, convaincu qu’un groupe de cette importance devait bien savoir ce qu’il faisait ». Depuis les interventions des gendarmes dans son exploitation, « M. Béteille vit avec la honte face au reste du village », a-t-elle assuré. Au cours de l’instruction, ses récoltes d’une année ont été saisies. Les difficultés se sont alors accumulées, il a dû vendre dix hectares pour faire face, il a eu des déboires familiaux… Qui aurait à cœur d’accabler l’exécutant quand le donneur d’ordres est absent ?
Ainsi donc la punition devrait se réduire à quasiment rien, alors que l’atteinte avérée à l’environnement, elle, est loin d’être anodine. Comme le raconte Jean-Marc Bonmatin, toxicologue chercheur au CNRS :
« J’ai été très étonné par les quantités faramineuses d’insecticides épandues. Un petit millier d’études scientifiques concluent à la dangerosité de ces produits sur les insectes butineurs, même employés à la dose homologuée. Alors là… Parler de semis haute densité à ce propos, c’est comme qualifier un bombardement au napalm d’épandage calorifique ! Le fipronil est près de 6 500 fois plus toxique que le DDT, interdit dans les années 1970, et l’imidaclopride près de 7 300 fois. »
Pendant l’enquête, l’expert, cité comme témoin, a analysé des échantillons des drôles de cultures de M. Béteille à la demande d’un apiculteur de Verteuil-d’Agenais, Maurice Coudoin. Ce lanceur d’alerte est à l’origine des premières révélations. Depuis, il n’a pas manqué une audience. Celle-ci laisse pourtant un net sentiment d’inachevé aux plaignants.
Bernard Fau, qui défend les apiculteurs, a longuement dénoncé « l’utilisation de filiales comme une pratique scandaleuse de gestion du risque industriel ». C’est bien la société-mère qui devrait se présenter devant la justice, a-t-il plaidé, en s’appuyant notamment sur un arrêté de la Cour de justice de l’Union européenne. Voilà une nouvelle occasion manquée de placer un géant de l’agrochimie devant ses responsabilités, a en substance reconnu la procureure : « Il faut savoir admettre sa défaite, a-t-elle répondu. Le ministère public est allé aussi loin qu’il a pu pour faire reconnaître la fraude à la loi. ». Par Martine Valo
Et finalement : Le ministère public a requis une amende de 10 000 euros avec sursis à l’encontre de l’agriculteur… Les juges l’ont suivi, condamnant M. Béteille à verser 1 000 euros à chacune des parties civiles, plus 500 euros de frais de justice. SYNGENTA a été reconnu coupable … de rien !
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banalité de la médiocrité du comportement des grandes firmes agrochimiques! Où allons nous puisque même le ministère public n’a pas pu se faire entendre suffisamment pour avoir un impact financier notable